Jeudi 26 janvier 2012 - 68e année - N˚20844 - 1,50 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Erik Izraelewicz
Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,50 ¤, Cameroun 1 600 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 600 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,80 ¤, Gabon 1 600 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 750 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,50 ¤, Malte 2,50 ¤,
Maroc 10 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,20 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 600 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,00 CHF, TOM Avion 380 XPF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 600 F CFA,
L a défense du droit d’auteurn’est pas un combat d’arriè-re-garde. Moins d’une semai-
ne après le coup d’éclat du FBI à
l’encontre du site Megaupload, le
débat est pourtant relancé.
En haussant le ton sur le télé-
chargement illégal, les Etats-Unis
ont fait la démonstration du carac-
tère inégal de ce combat. Il suffit
de fermer un site pour que dix
autres fleurissent sur la Toile. A
quoi bon cette démonstration de
force ?, entend-on. D’autant que
des justiciers du Net en ont profi-
té pour se rendre populaires en
piratant le site du FBI et quelques
autres, dont celui de l’Elysée. Ridi-
culiser le gendarme est un plaisir
vieux comme le monde.
Revenons-en aux faits. Mega-
upload – littéralement « méga-
téléchargement » – faisait com-
merce du téléchargement illégal
d’œuvres piratées. Pour les puris-
tes, ce n’est qu’une plate-forme
technique neutre. Ce n’est pas
faux : ce n’est pas Kim Schmitz,
dont un juge néo-zélandais a déci-
dé, le 25 janvier, le maintien en
détention, qui mettait à disposi-
tion les contenus illégaux sur le
site qu’il a fondé.
Mais son entreprise, qui com-
prenait aussi une régie publicitai-
re et un site de streaming, Megavi-
deo, permettant un simple vision-
nage, contrairement au téléchar-
gement direct proposé sur Mega-
upload, aurait généré, selon le FBI,
175millions de dollars (135 mil-
lions d’euros) de bénéfices à ses
propriétaires. Avec plus de 50 mil-
lions de visiteurs chaque jour,
c’était devenu un aspirateur à
publicité. Il s’agit bien d’un «busi-
ness» réalisé grâce à des contenus
(films, séries télévisées…) qui
appartiennent à d’autres (produc-
teurs, auteurs…).
Comment contrer un tel com-
merce dès lors que la technologie
permet de nicher ces plates-for-
mes n’importe où sur la planète ?
La France a choisi, avec Hadopi, la
riposte graduée censée découra-
ger la pratique du téléchargement
illégal par M. Tout-le-Monde et
condamner celle du « téléchar-
geur» abusif.
Le bilan est plus que mitigé et
l’outil inadapté. La présidente de
la Hadopi a reconnu ainsi, dans
ces colonnes, qu’elle n’est pas en
mesure, pour des raisons régle-
mentaires et techniques, de sur-
veiller les téléchargements à par-
tir de Megaupload ni les visionna-
ges à partir de Megavideo. Quel
que soit le prochain chef de l’Etat,
la Hadopi sera réformée, même si
les candidats s’efforcent, à l’évi-
dence, de ménager à la fois l’inter-
naute et l’auteur. Et il paraît plus
efficace et plus juste, sinon plus
aisé, de traquer le grossiste
et le revendeur plutôt que
le consommateur.
Mais cela ne suffit pas, pour
deux raisons. D’une part, l’offre
légale doit se mettre à niveau. L’er-
gonomie pitoyable et le prix élevé
des sites de vidéo à la demande
sont autant d’arguments offerts
aux pirates du dimanche
ou chevronnés.
D’autre part, le droit de la pro-
priété intellectuelle doit, lui aussi,
s’adapter à l’ère du numérique.
Entre le verrou absolu et l’aban-
don total, certaines pistes juridi-
ques permettent aujourd’hui de
graduer le niveau de protection
de cette propriété. Elles doivent
être explorées.p
Lire page16
L’Europequimarche Sport, culture,
université, high-techPages II à IV
L’Europe qui pense Umberto Eco P.V
Anthony Giddens et Felipe Gonzalez P.XIII
Petros MarkarisP.XVI
L’Europequi bougeCeux qui vivent
au quotidien l’espace continentalP.VI
L’Europequi doute Portraits
d’eurosceptiquesP.XIV et XV
C ’est la chancelière fédérale AngelaMerkel qui prononce cette année lediscours inaugural de la 42e session
du Forum économique mondial, le mer-
credi 25 janvier, à Davos. Cette interven-
tion met clairement la crise européenne
au centre du débat.
Pour le nouveau supplément « Euro-
pa » publié par six journaux (El Pais,
The Guardian, Gazeta, La Stampa,
Süddeutsche Zeitung et Le Monde),
Mme Merkel présente en détail sa vision de
l’Union, de l’évolution de ses institutions
et du rôle de l’Allemagne. Elle estime aussi
que, dans la crise, l’Union a trouvé un bon
équilibre entre solidarité et responsabilité
individuelle.
Au-delà de l’institutionnel, le supplé-
ment « Europa » racontera la vie commu-
ne des Européens et la«politique intérieu-
re à vingt-sept », selon l’expression
employée par la chancelière allemande.
De la culture au sport, de la vie publique
locale aux échanges universitaires, «Euro-
pa » joue sur les regards croisés des six
journaux pour tenter de rendre vivante
cette insaisissable « envie d’Europe ».p
MONDIALISATIONEn 2011, l’économie japonaise
affiche un déficit commercial de 24,5 milliards
d’euros. En cause : le tsunami, mais aussi
des mutations structurelles.Page 14
Merkel: «Ma vision del’Europe»
Leschantiers
de François
Hollande
L e groupe informatique Applea annoncé, mardi 24 janvier,des bénéfices et des ventes
record. Son chiffre d’affaires a pro-
gressé de 73 % lors du dernier tri-
mestre, dépassant les prévisions.
Son bénéfice a atteint 13,1 milliards
de dollars lors des trois derniers
mois. Apple affirme avoir enregis-
tré « les ventes les plus élevées
jamais enregistrées » d’iPhone
(37 millions d’exemplaires vendus
en trois mois), d’iPad (15 millions)
et d’iPod (15,4 millions). Grâce aux
bénéficesaccumulés, le groupe dis-
pose désormais de près de 100 mil-
liards de dollars (76 milliards d’eu-
ros) de trésorerie.p
Lire la chronique
deStéphane Lauer page17
Premierdéficitcommercial
japonaisdepuis1980
Editorial
M.Ouattaraveutfairedela
Côted’Ivoireunpaysémergent
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Jean est chef d’entreprise,
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Lamortbrutale
deTheoAngelopoulos
Apple etses
100 milliards
detrésorerie
RENCONTREA la veille de sa visite officielle en
France, jeudi 26 janvier, le président ivoirien,
Alassane Ouattara, a reçu « Le Monde » à Abidjan.
Il défend sa politique de réconciliation et affirme
ses ambitions économiques.Page3
SciencesPo,
lapolémique
Le combat inégal contre le téléchargement illégal
tEntretien exclusif pour le nouveau supplément «Europa», publié par six journaux, dont «Le Monde »
tLa chancelière estime que l’Europe relève désormais de la «politique intérieure»
CINÉMAL’immense
réalisateurgrec,
inventeurd’uncinéma
dela lenteur, estmort
mardi24janvier,
àAthènes, fauché
parunemoto.Page 23
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1,
50
POLITIQUE Avant la présentation du
programme détaillé de François Hollan-
de, jeudi 26 janvier, « Le Monde » passe
au crible les propositions du candidat
socialiste sur le logement, les banques
et la fonction publique. Le député de la
Corrèze s’est entouré de plusieurs
cercles d’économistes et d’experts pour
préparer son projet.Pagesdeuxet9
Cette semaine, Plantu et le dessinateur algérienDileméchangent leur place en «une».
François
Hollande,
à Toulon,
le 24 janvier.
J.-C. COUTAUSSE/
FRENCH POLITICS
POUR «LEMONDE»
La gestion de l’IEP
deParis critiquée
Débats page 19
Leregard deDilem
Les indégivrables Xavier Gorce
Société éditrice du « Monde » SA
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directeur du « Monde », membre du directoire, directeur des rédactions Erik Izraelewicz
Secrétaire générale du groupe Catherine Sueur
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0123est édité par la Société éditrice du «Monde» SA
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(0,34¤TTC/min);de l’étranger:(33)1-76-26-32-89
ouparInternet:www.lemonde.fr/abojournal
B
ienheureux François Hollan-
de, il a l’embarras du choix! Le
nombredesexperts,authenti-
ques ou autoproclamés, qui
ont inspiré son projet écono-
mique et social, enfle à mesu-
re que les instituts de sondage confortent
sonimagedefavoridanslacourseàlaprési-
dencede la République. Fidèle àsa manière
d’exercer le pouvoir, le candidat socialiste
à l’Elysée – formé à HEC et à l’ENA – a laissé
prospérer différents cercles de réflexion (il
y en a au moins cinq). Et puis, témoigne un
participant,«il a fait sonmarché».
Ces groupes ont fréquemment planché
sur les mêmes sujets. Ils se sont parfois
combattus, en particulier sur la réforme de
lafiscalité. Maisilsontdûaussi,àlademan-
de expresse de FrançoisHollande, appren-
dre à travailler ensemble et progressive-
ment accorder leurs violons.
Le premier cercle de ces économistes est
composé d’intellectuels de la même géné-
ration que le candidat socialiste, ou un peu
plus âgés. Chercheurs réputés, ils parta-
gent une certaine vision de la social-démo-
cratie et du progrès: Philippe Aghion, pro-
fesseur d’économie à Harvard, théoricien
de la croissance et de l’innovation, coau-
teur avec Alexandra Roulet de Repenser
l’Etat (Seuil, 2011) ; Elie Cohen, spécialiste
des politiques industrielles, et Gilbert Cet-
te, professeur associé d’économie à l’uni-
versité d’Aix-Marseille-II et fin connais-
seur du social.
En 2001, Jean Pisani-Ferry, alors prési-
dent délégué du Conseil d’analyse écono-
mique (CAE), avait fait travailler Philippe
Aghion et Elie Cohen sur l’éducation et la
croissance. En 2007, les deux mêmes
auteurs ont planché avec Gilbert Cette et
JeanPisani-Ferrysur«Lesleviersdelacrois-
sance française». Quatre ans plus tard, ils
ont retravaillé pour le CAE sur le thème
«Crise et croissance: une stratégie pour la
France ». Au candidat, ils apportent « leur
vision commune et la complémentarité de
leurs expertises»,mais aussi leurs réseaux,
leur ouverture internationale et, pour la
plupart, leur volonté de s’affranchir des
schémas keynésiens.
Le 24 août 2011, bien avant que Fran-
çois Hollande ne sorte vainqueur de la pri-
maire socialiste, Philippe Aghion, qui
avait travaillé en 2007 pour Ségolène
Royal, a organisé pour lui une rencontre
avecdeséconomistesàlaMaisondel’Amé-
rique latine à Paris. Le président du Cercle
des économistes, Jean-Hervé Lorenzi, y a
pointé son nez. On ne l’a pas revu depuis.
«Il est partout etnulle part. Onnepeut pas
vraiment dire qu’il s’engage», persifle un
de ses collègues.
Ce groupe d’amis, auxquels sont ratta-
chées des personnalités soucieuses de res-
ter dans l’ombre pour ménager leurcarriè-
re – on n’est jamais trop prudent ! –, s’est
baptisé La Rotonde, du nom de la brasserie
du quartier de Montparnasse à Paris où ils
aiment se retrouver. C’est avec certains
d’entreeux quele candidatdevait seprépa-
rer, mercredi 25 janvier, «par une séance
deping-pong», à son duel télévisé du jeudi
26janvier avec Alain Juppé.
Le deuxième cercle important est celui
desgroupesdetravailthématiques(fiscali-
té et finances publiques, politiques publi-
ques, etc.) mis en place par Laurent Fabius,
lorsque la première secrétaire du Parti
socialiste, Martine Aubry, l’avait chargé de
préparer la première année du retour de la
gauche au pouvoir. Y ont participé un
grand nombre de hauts fonctionnaires
d’horizons divers, d’anciens des réseaux
fabiusiens, encartés au PS ou non, et «de
jeunestechnos»degauche heureuxdel’oc-
casion quileur est offerte, après dix années
de droite, de préparer l’alternance.
Ce sont eux qui ont mis au point la syn-
thèsede70 pagesremiseàFrançoisHollan-
de juste après sa victoire à la primaire le
16octobre 2011. A la demande du candidat,
ils ont ensuite continué leurs travaux et
associéleursréflexionsàcellesd’autrescer-
cles, au premier rang desquels figure celui
de Jérôme Cahuzac.
Bien qu’il s’en défende, le président (PS)
de la commission des finances de l’Assem-
blée nationale joue un rôle important en
matière économique et financière. Il s’est
entouréd’excellentspraticiensdelafiscali-
té, des finances publiques et de l’écono-
mie. Ils passent avec lui leurs soirées, leurs
week-ends et parfois leurs nuits pour faire
tourner les modèles économiques de Ber-
cy, simuler les effets possibles de telle ou
telle réforme de la fiscalité, préparer le
contenu de la prochaine loi de program-
mation des finances publiques, du collec-
tif budgétaire de l’été 2012 ou encore du
projet de loi de finances pour 2013. Ensem-
ble, ils ont rédigé des dizaines de notes sur
les sujets les plus techniques et les plus
sensibles politiquement.
A partir du mois de novembre, les grou-
pes de travail fabiusiens ont confronté
leurs analyses avec eux, peaufiné leurs
hypothèses et accordé leurs principes. Un
des participants à ces réflexions parle de ce
travail de plusieurs semaines comme
d’une «fusion réussie». «Tout a fini par
convergernaturellement», résume Jérôme
Cahuzac le rocardien, qui se félicite de la
part prise par Laurent Fabius dans l’élabo-
ration du programme présidentiel.
Le directeur de campagne de François
Hollande,PierreMoscovici,n’estpasenres-
te : lui aussi a ses réseaux ! L’économiste
Karine Berger, candidate socialiste aux
législatives dans les Hautes-Alpes, ancien-
ne de l’Insee et ex-patronne de la conjonc-
ture chez SFAC Euler Hermès, a fait jouer
ses contacts à Bercy et dans le monde ban-
caire pour nourrir les réflexions du parti.
Le groupe de Vigieco2012, qui se targue
un peu abusivement de rassembler le pre-
mier cercle des économistes de François
Hollande, s’est formé à l’été 2011. Il rassem-
ble une quarantaine de personnes parmi
lesquelles figurent des hauts fonctionnai-
res, des enseignants-chercheurs, des repré-
sentants du secteur privé, des fonctionnai-
res internationaux. Tous sont volontaires
pour aider à argumenter sur le terrain éco-
nomique et pour combler ce qu’ils vivent
comme un déficit d’explications sur la cri-
se et sur les positions de la gauche.
En décembre, relate Romain Perez, l’un
de ses responsables, Vigieco2012 a rencon-
tré l’équipe de campagne et coordonne ses
interventions, depuis le début de cette
année, avec la «cellule riposte»de Guillau-
me Bachelay. Le groupe organise des ate-
liers, invite des experts à débattre, comme
l’économiste britannique John Vickers,
auteur d’un rapport sur la réforme bancai-
re britannique et sur la fin du modèle de
banqueuniverselle,oucommel’économis-
te Thomas Piketty, spécialiste des hauts
revenus et partisan d’une réforme fiscale
radicale.
Dans le sillage de Vigieco2012, gravitent
des personnalités aussi différentes que la
rapporteure générale du budget au Sénat,
lasocialiste NicoleBricq,ouThomasChalu-
meau,directeurd’unebanqued’investisse-
ment, ancien de l’équipe de Dominique
Strauss-Kahn au ministère du budget et
l’unedestêtespensantesduthinktankTer-
ra Nova. On y trouve aussi, ce qui est plus
original, plusieurs chercheurs des Econo-
mistes atterrés, marqués à gauche.
Un homme, enfin, a joué un rôle essen-
tiel dans la mise en forme du programme
présidentiel: il s’agit d’Emmanuel Macron.
Ancien rapporteur de la commission Attali
sur la libération de la croissance française,
inspecteur général des finances et associé
gérant chez Rothschild et Cie, il a coordon-
né l’activité du groupe d’économistes de
LaRotonde deseptembreàjanvier,préparé
l’agenda des séances de travail, recruté les
jeunes – des inspecteurs des finances pour
la plupart – qui ont travaillé avec le groupe
et finalement rassemblé tous ces travaux
pour les remettre à François Hollande.
Les arbitrages sur le projet présidentiel
ont toujours été politiques. Ils étaient dis-
cutés au sein d’un petit groupe de person-
nalités: Michel Sapin, Laurent Fabius, Pier-
reMoscovici, Jérôme Cahuzac, Stéphane Le
Foll, Manuel Valls et, bien sûr, le député de
Corrèze, auquel revenait le dernier mot.
Dans la maison Hollande, les amis de
trente ans occupent une place particulière.
Michel Sapin, chargé du projet présiden-
tiel,a fait son service militaire et l’ENA avec
le candidat, qui a été récemment témoin à
son mariage. Comme lui, Dominique Ville-
mot, avocat fiscaliste et plume du candi-
dat, est un ancien de la promotion Voltaire
(1980). Ces taiseux, qui jouent un rôle-clé
dans le dispositif, n’exagèrent pas pour
autant leur influence. Sans doute savent-
ils leur ami François trop attaché à sa liber-
té et trop fin politique pour confier à
d’autres le soin in fine de trancher. p
ClaireGuélaud
page deux
S i l’administration américai-ne pour la surveillance del’océan et de l’atmosphère
(NOAA) n’en avait fait l’annonce,
mardi 24janvier, personne ou
presquene se serait rendu comp-
te de rien. Et pourtant : le Soleil
vient depiquer une terrible colè-
re – la plusnotable enregistrée
depuis 2005. Unede ces érup-
tions susceptibles de perturber
l’électronique embarquéedans
les satellites, voire demettre à
plat les réseaux électriques au
sol, commece fut le cas en 1989
auCanada, pendant quelques
heures. L’événement en cours
n’est pas aussimémorable et les
astrophysiciensne s’attendent
pas à des dégâts importants.
D’intenses fluxdeprotons ont
déjà frappé la Terre, lundi 23 jan-
vier dans lamatinée. Et la quanti-
té de ces particules bombardant
la haute atmosphère terrestre
demeurait,mardi soir, de l’ordre
de 1000 fois supérieure aux
niveauxhabituels. Quant à
l’«éjectiondematière coronale»
expulsée dans l’espace pendant
l’éruption, elle voyagemoins vite
que ces protons accélérés à de
hautes énergies. Cette gigantes-
quebulle de gaz –unplasma for-
méd’électrons, de protons et de
diverses particules électrique-
ment chargées (hélium, fer, oxy-
gène…) – se dirige vers la Terre à
la paisible vitesse de 6millions
dekm/h et l’atteindradèsmercre-
di ou jeudi.
La collisionnedevrait pas être
frontale. Ce souffle de vent solai-
re nous toucherait ainsi «par le
flanc et nonde face», explique
GuillaumeAulanier, chercheur
au Laboratoire d’études spatiales
etd’instrumentation enastrophy-
sique (Observatoire de Paris et
CNRS). «Disons que si c’était une
voiture, nous neprendrions pas le
pare-chocs de plein fouet,mais
plutôt la portière», illustre l’astro-
physicien.
C’est une chance. Car lors-
qu’une telle bulle deplasma, véhi-
culant un fort champmagnéti-
que, heurte frontalement celui
de la Terre, des conséquences par-
fois désagréables sont à craindre.
«Pour certains événements, la
déformationduboucliermagnéti-
que de la Terre peut provoquer
des courants électriques induits
au sol», rappelleGuillaumeAula-
nier. C’est-à-dire produire des
courants d’électrons semblant
apparaître spontanément, pou-
vant provoquer des défaillances
des systèmes électriques ou élec-
troniques.
«Black-out»
De telles «tempêtes géomagné-
tiques» ne sont pas rares. En
revanche, bien que le scénario du
black-out électrique total soit
régulièrement évoqué, «la plu-
part des astrophysiciens estiment
que le Soleil n’est pas capable de
fournir une énergie suffisante
pour qu’il se réalise», dit Guillau-
meAulanier